Près de l'entrée, deux humanoïdes se sont avancés: l'un de taille normale, assez bedonnant; l'autre dont on ne sait si il est recroquevillé, bossu, ou réellement petit. Le plus grand soutenant le rabougri.
Ce dernier, d'une voix eraillée, gesticulant en tout sens, tentant de repousser les bras qui le soutenaient:
- "Lache-moi donc imbécile de tir-au-flanc, je n'ai pas besoin de toi!"
Il finit donc par s'avancer à petit pas, marchant en canard. S'approchant d'une zone plus éclairée, on s'aperçut qu'il était vêtu aussi richement qu'un mendiant, d'une cape dont la matière aurait été qualifiée par les humains de "sac à patates". Les trous en plus.
D'ailleurs sa tenue en choqua presque quelques brakiris:
- "Il n'a vraiment aucun goût". Entendait-on par ici.
- "Comment les gardes ont-ils pu laisser un vagabond ici?!" Entendait-on par là.
Certains drazis, moins préoccupés par la mode telle qu'on l'affiche dans le dernier FHMalachi, s'attardèrent plus sur l'individu:
- "Bizarre cette tête verdâtre me rappelle une vermine."
- "Oui, de celle qu'on était bien content d'être débarrassé."
Le miséreux ôta la capuche qui dissimulait un visage marqué par la maladie et des souffrances qu'il s'était infligé à lui-même par une déchéance, pour laisser apparaître une tête de narn. Des cicatrices, des nécroses, une peau qui avait vieillie prématurément.
Un tonnerre de murmurre envahit la salle, certains drazis qui avaient confirmation de ce qu'ils pensaient se levèrent, près à se jeter sur le déchet narn. Après qu'un silence relatif soit revenu, du moins assez pour que la voix du narn soit audible, celui-ci commenca à parler, entrecoupant ses phrases de respirations profondes et difficiles.
- "Etes-vous toujours aveugles? Ne voyez-vous toujours rien? Vous pensez peut-être être à l'abri derrière votre neutralité? Mais ils ne respectent rien! Ni les règles de la guerre, ni les règles de la paix, ni la vie des autres espèces."
Chancelant, l'autre narn accoura pour le soutenir.
- "Je n'ai plus rien. Je ne suis plus rien. Ils m'ont annéantis comme ils annéantissent ma race. Et comme ils vous annéantiront. Si vous avez l'intention un jour d'intervenir, ne vous cachez plus derrière votre peur et votre relative sécurité du moment. Si vous attendez trop, il sera trop tard. Vous serez seul. Si vous n'unissez pas vos forces, maintenant, aux côtés des narns, vous aurez perdu votre seule chance de réussite. J'ai perdu ma fièreté, et elle n'est plus là pour cacher que les narns perdent cette guerre."
Si certains "Bien fait, raclure!" dégoulinaient de l'assemblée, un silence s'installa dans tous les recoins. Sans savoir s'il s'agissait d'un silence de réflexion, ou d'un silence de discrétion, du genre "Taisons nous pour ne pas être pis à parti".
G'Kortx crachota quelque peu et dû prendre sa manche pour essuyer la bave qu'il n'avait su retenir.
- "Rhaaaa, allez tous en enfer. Si vous préférez avoir des regrets et garder vos illusions, vous me rejoindrez et me précèderez peut-être même dans ma tombe..."
Les deux narns se dirigèrent vers la sortie, titubant comme un couple d'alcooliques.